Vincent Rodriguez

À en tomber de sa chaise

Gifi est condamnée pour contrefaçon de droit d'auteur et concurrence déloyale.

Cour d’appel de Paris, pôle 5, chambre 1, 20 décembre 2023, n° 22/01602, TOLIX / GIFI

Les sociétés Tolix et Gifi, en opposition dans ce litige, sont sans doute tombées chacune de leur propre chaise à la lecture de l’arrêt rendu par la Cour d’appel le 20 décembre 2023.


💬 Tolix est une société française fondée en 1927 spécialisée dans la conception de mobilier en métal au design iconique. Gifi est quant à elle un groupe international vendant toutes sortes de produits, dont du mobilier à très bas prix.

Sous l’égide de la société Tolix, Xavier Pauchard a créé différents modèles, dont la « Chaise A » et le « Tabouret H ». Ultérieurement, en 2006, la société Tolix a créé le « Tabouret HPD », qui est une variation avec dossier du « Tabouret H ».

Tolix Gifi contrefaçon droit d'auteur

Début 2019, Tolix s’aperçoit que Gifi commercialise des modèles quasi-identiques aux trois modèles iconiques de Tolix précités. Faute d’accord, Tolix assigne Gifi en justice en se fondant sur la contrefaçon de droits d’auteur, la contrefaçon de marques et la concurrence déloyale.


©️ Sur la contrefaçon de droits d’auteur. La Cour décrit les caractéristiques des modèles A et H et conclue lapidairement au fait que les combinaisons de ces caractéristiques leur permettent d’accéder à la protection par le droit d’auteur. S’agissant en revanche du modèle HPD, la Cour va considérer qu’il n’est pas original car il reprend le modèle H qui lui est antérieur, en y ajoutant simplement un dossier, de sorte qu’il ne présente pas de différences suffisantes pour être original en tant que tel, ni pour constituer une œuvre composite (art. L. 113-2 alinéa 2 du Code de la propriété intellectuelle).

S’agissant des modèles A et H, la Cour relève à juste titre que les droits sur ces modèles ont expiré le 1er janvier 2019, soit 70 ans après la mort de leur auteur Xavier Pauchard (art. L. 123-1 du Code de la propriété intellectuelle).

Néanmoins, Tolix réussit à justifier de l’existence d’agissements antérieurs à cette date, résultant de l’importation en France de copies serviles du modèle A, par Gifi en provenance de sa filiale asiatique. Dès lors, la Cour va condamner la société Gifi pour ces actes. Elle va en revanche rejeter les demandes fondées sur la contrefaçon des droits d’auteur sur le modèle H – qui n’a pas été reproduit à l’identique par Gifi – ainsi que sur le modèle HPD – qui n’est pas protégé par un droit d’auteur.


®️ Sur la contrefaçon des marques tridimensionnelles portant sur les modèles A et H. Voulant anticiper l’expiration des droits d’auteur, Tolix a eu l’idée de déposer des marques tridimensionnelles sur ces deux modèles (marques françaises n° 4413907 et n° 4413078). Le Code de la propriété intellectuelle permet effectivement le dépôt de nombreux types de marques allant au-delà des marques dites « traditionnelles » que sont les marques verbales, figuratives et semi-figuratives (art. L. 711-1 alinéa 2 du Code de la propriété intellectuelle).

Néanmoins, peu importe le type de marque dont il s’agit : une marque doit toujours être distinctive, c’est-à-dire qu’elle doit être apte à distinguer l’origine de produits ou services d’un acteur économique de ceux de tiers (art. L. 711-2 2° du Code de la propriété intellectuelle). Or, la jurisprudence est très sévère sur les marques tridimensionnelles portant sur la forme de produits, qu’elle considère quasi-systématiquement comme dépourvues de distinctivité, spécialement en matière de mobilier.

Précisément, alors que Tolix invoquait une contrefaçon de ses marques tridimensionnelles, Gifi a sollicité à titre reconventionnel leur nullité pour absence de distinctivité. Après avoir étudié quelques sondages fournis par Tolix sur la prétendue forte connaissance du public des modèles A et H, la Cour va prononcer la nullité des marques car elles sont constituées exclusivement par la forme du produit.


⚔️ Sur la concurrence déloyale. La Cour doit analyser trois faits distincts de concurrence déloyale : la confusion, les pratiques commerciales trompeuses et le parasitisme.

Sur la confusion qu’elle rejette, la Cour considère que Gifi n’a pas cherché à créer un effet de gamme en reprenant des modèles identiques à ceux de Tolix, ce d’autant plus que Gifi opère sous une marque et des réseaux de distribution différents, et qu’il existe de nombreux autres modèles similaires commercialisés sur le marché.

Sur les pratiques commerciales trompeuses, la Cour va en revanche condamner Gifi qui a annoncé des soldes sur les modèles en cause alors qu’ils n’avaient pas été proposés à la vente depuis au moins un mois (art. L. 310-3 du Code de commerce), de sorte que la violation par un concurrent des règles du droit de la consommation constitue des pratiques trompeuses.

Sur le parasitisme, la Cour va également sanctionner Gifi. La Cour retient qu’en reprenant à son propre compte des modèles de mobilier iconiques, quasi-centenaires et pour lesquels Tolix justifie de forts investissements, Gifi s’est placée dans le sillage économique de Tolix afin de bénéficier de ses investissements et de sa notoriété, sans bourse délier et en s’économisant tout effort intellectuel, matériel et financier de conception, de promotion ou de commercialisation. Cela est d’autant plus vrai que les modèles Tolix revendiquent une fabrication française de qualité, alors que les modèles litigieux vendus par Gifi sont des modèles fabriqués en Chine à moindre coût.


💡 En conclusion, Gifi est condamnée à indemniser Tolix à hauteur de 115.000 €. Cet arrêt est particulièrement intéressant en ce qu’il s’attarde sur différentes méthodes de défense de pièces iconique de mobilier.

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